Dune, par M. Witkowski La vie a pris son origine au fond des océans, il y a de cela plusieurs milliards d'années. La planète Terre s'est formée voici 4,6 milliards d’années, et des fossiles datant de 3,4 milliards d’années qui pourraient provenir de bactéries monocellulaires ont été découverts en Australie et en Afrique du Sud. On a trouvé en 2010 au Gabon, dans une carrière de grès près de Franceville, des organismes pluricellulaires, donc plus évolués, âgés de 2,1 milliards d’années. A cette époque, l’atmosphère ne contenait pratiquement pas d’oxygène. Le taux d’oxygène actuellement présent dans l’atmosphère, qui est d'un peu plus de 20%, ne daterait que de 600 millions d’années, ce qui correspond à peu près à l'époque de la « faune d’Ediacara » découverte en Australie. C’est donc la vie qui a fabriqué l’oxygène entourant notre planète et que nous respirons aujourd’hui : la vie a ainsi fortement contribué à la formation géologique de la Terre. Elle a aussi depuis longtemps colonisé toute la surface de ce globe. Après avoir investi les océans, la vie s'est répandue sur les continents, et a fini par s'élever dans les airs. Sa nature profonde est d'essayer toutes les possibilités d'expansion dans toutes les directions, et l'humanité elle-même, que nous pouvons qualifier d'espèce actuellement dominante, n'échappe pas à cette nature. Pour la vie, que reste-t-il encore à conquérir, sinon l'Espace interplanétaire, puis intersidéral? Si l'homme ne s'y lance pas, il aura failli à sa nature et disparaîtra. Dans ce cas, il sera peut-être remplacé, dans un lointain futur, par une autre espèce capable de propager plus efficacement la vie ! Nous n'avons aucune indication de présence de vie sur d'autres planètes que la nôtre, et encore moins de présence d'une intelligence. Nous n'avons même aucun indice d'une telle possibilité. Le calcul statistique autour de l'équation de Drake ne nous éclaire pas, puisque nous n'avons pas suffisamment d’informations à ce sujet : le seul exemple de vie connu dans l’univers étant le nôtre, ce serait calculer des probabilités à partir d’un cas unique, ce qui n’a pas de sens. Il est donc tout à fait légitime de travailler sur l’hypothèse que la vie n'existe pas en dehors de notre planète, ou alors que, dans le cas où elle existerait ailleurs, elle y serait restée confinée et dans l'incapacité d’envoyer des signaux vers l’espace. En effet, si la vie était relativement commune sur les autres planètes et pouvait s'en échapper, étant donné les milliards de planètes qui existent dans l'univers, cette vie aurait sans doute évolué vers des formes intelligentes et organisées qui nous auraient déjà contactés. Il est donc tout à fait possible, et à mon avis très vraisemblable, que la vie, ou tout au moins la vie consciente et intelligente, n’existe que sur la Terre. Il faut donc agir dans cette perspective. L’humanité et la vie terrestre sont exposés à un certain nombre de risques pour leur survie. Ces risques demeurent encore souvent mal évalués mais sont très élevés sur le long terme. Ils se matérialiseront nécessairement, avec pour conséquence une extinction complète de la vie sur cette planète et peut-être dans l'univers entier si la vie n’existe pas ailleurs que sur Terre. Le seul moyen susceptible d’assurer le salut de la vie et de l'humanité est donc d'essaimer vers d'autres étoiles afin de disposer de plusieurs planètes qui ne pourront toutes être ravagées simultanément par une catastrophe qui viendrait anéantir la Terre. Les grecs ont placé leurs héros dans les étoiles: la lyre d'Orphée, Persée, les jumeaux Castor et Pollux, Cassiopée, Andromède... N’est-il pas tentant d’imaginer que nous pourrions les rejoindre ? Mais, pour nous lancer à la conquête de l'espace, il existe une autre raison peut-être encore plus importante que l'intérêt d'assurer notre survie en tant qu’espèce. La Vie a par nature une volonté d'expansion : comme les autres animaux, notre nature même nous incite à contribuer à ce vaste mouvement, à passer la frontière de la Terre et à coloniser l'Espace. Il ne nous suffit pas de rêver en regardant les étoiles : il faut partir à la recherche de ces choses lointaines, désastreuses et inaccessibles. Sans doute l'attrait de l'or, qui mobilisa jadis les conquistadors, serait-il aujourd'hui un moyen peu convaincant pour nous inciter à la conquête de l'Espace. En pratique, cela ne pourra se faire qu’en constituant une élite de cosmonautes, qui accepteront de vouer leur existence à ce but comme la noblesse d'antan se consacrait à la guerre. Pour aller dans ce sens, une nouvelle morale, adaptée à ce but et très rigoureuse devra être instituée. Pour motiver ces héros, il ne sera pas nécessaire de faire appel à la métaphysique, au surnaturel ou à une divinité quelconque. Il conviendra au contraire d'éviter cela soigneusement. La nouvelle morale devra reposer sur l'observation de la vie et de sa nature, qui est d'occuper et d'organiser l'univers. Les nouveaux prêtres seront les scientifiques, les nouveaux héros les cosmonautes. Pour répondre d'emblée à un argument que l'on ne manquera pas de d'opposer à cette idée, investir davantage dans la conquête de l'Espace n’empêchera pas bien entendu de consacrer l’essentiel des moyens humains à cultiver harmonieusement la vie sur cette planète, en renforçant l'intégration de l'homme dans son milieu, en améliorant sa condition et en faisant disparaître la pauvreté. Mais il faut s’assurer qu’une part suffisante des moyens et de l’activité économique soit investie dans la conquête de l’espace, de manière durable et avec le soutien de tous. L'homme fait partie intégrante de la vie, dont il est aujourd'hui le fer de lance, c'est à dire l'élément le plus avancé et le mieux à même d'étendre et de diffuser la vie au-delà des limites de la terre. Pour cela il s'appuie sur les autres espèces vivantes, plantes et animaux, et il en est et restera dépendant. Il est dans sa nature de s'efforcer de réaliser la volonté de la vie, c'est à dire celle de se répandre dans tout l'Espace et de tous les Temps. Aller contre cela serait contrarier la nature profonde de l'homme, et précipiter sa déchéance. Il ne faut donc pas s’occuper exclusivement des applications dites «utiles» des techniques spatiales, comme l’observation de la terre à partir de satellites. Il faut également regarder vers l’extérieur, investir dans l'Espace en tant que nouvelle frontière. Consacrer un petit pourcentage du revenu national et mondial à l’objectif de la conquête de l’espace, de l’ordre de 2% par exemple, ne nuirait aucunement au développement global et n'empêcherait pas de poursuivre tous les autres objectifs écologiques, démographiques et sociaux qui sont évidemment essentiels, mais comment y parvenir ? N’est-ce pas là un objectif qui pourrait être assigné aux politiciens qui nous gouvernent, sachant que 98% de nos moyens resteraient consacrés à l’amélioration de la vie sur cette planète? Et ceci ne tient pas compte des retombées technologiques et économiques positives des recherches financées dans le cadre de la conquête spatiale, qui seraient énormes. Dans le passé une humanité ignorante, conduite par des chefs sans scrupules et des prêtres scélérats, a investi avec ardeur dans des projets pharaoniques. C'est ce qui s'est produit avec la construction de pyramides, de temples, de cathédrales, de synagogues, de mosquées et avec l’entretien des castes sacerdotales. Pourtant les besoins élémentaires des populations n’étaient souvent pas même satisfaits. La conquête des étoiles est donc bien avant tout une question de vision et de conviction.
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AuteurMarc Gillet |